Attendu de longue date (plus de 40 ans!), le nouveau régime d’union parentale crée des droits et des obligations entre les conjoints de fait et veut aussi offrir plus de stabilité aux enfants de ces unions. La nouvelle loi crée enfin un cadre adapté à la réalité des couples d’aujourd’hui.

Rappelons que le régime d’union parentale s’articule autour des mesures phares suivantes :
- Le patrimoine d’union parentale
- Les impacts successoraux
- La prestation compensatoire
- La protection de la résidence familiale
- La mesure visant à contrer la violence judiciaire
Pour illustrer la portée du nouveau régime, nous vous présentons trois mises en situation relatives à ces mesures. Me Catherine Cloutier, cheffe de pratique notariale chez fdp Gestion privée, les commente, ainsi que les protections qui sont disponibles dans chaque contexte. Les personnages sont fictifs, mais les situations s’apparentent à des cas réels.
Avertissement : droit nouveau
Les commentaires contenus dans cet article sont formulés en fonction de l’information disponible en date du 1er octobre 2025. Il sera intéressant pour l’équipe de notaires de fdp Gestion privée de suivre les décisions des tribunaux afin d’obtenir leur interprétation de ce nouveau régime et d’en informer notre clientèle.
Patrimoine d'union parentale
Lorsque des conjoints de fait ont acheté une propriété ensemble mais que leur mise de fond est inégale, qu’arrive-t-il s’ils se séparent?

Alex, 24 ans, et Sarah, 27 ans, se sont rencontrés durant leur résidence en médecine à l’Université Laval. La chimie entre eux a été immédiate et ils ont assez rapidement décidé de vivre ensemble.
Il y a un peu plus d’un an, le couple a acheté un condo. Les parents de Sarah ont voulu aider leur fille dans cet achat en lui faisant un don de leur vivant de 100 000 $ pour bonifier la mise de fonds. De son côté, Alex a utilisé un héritage de 30 000 $ reçu au décès de sa grand-mère pour sa part de la mise de fonds. Tous deux sont copropriétaires à parts égales et ils partagent également, à parts égales, le coût des paiements hypothécaires.
En août 2025, ils ont eu une enfant, une fille prénommée Emma. Durant son congé de maternité, Sarah s’est souvent retrouvée seule, Alex ayant peu de temps pour sa famille à cause du rythme accéléré de son apprentissage médical. Le manque de communications entre les conjoints les a éloignés l’un de l’autre, au point où Sarah songe à mettre fin à leur union.
Questions à Me Cloutier :
Q. Sarah peut-elle rester dans la résidence familiale avec Emma?
Me Cloutier : Étant copropriétaire, Sarah a le droit de demeurer dans la résidence sans avoir à initier quelque recours que ce soit.
À titre d’exemple cependant, si Sarah n’était pas copropriétaire de la résidence avec Alex, à défaut d’entente avec lui, elle pourrait formuler une demande de droit d’usage de la résidence familiale au tribunal.
Le nouveau régime d’union parentale comprend en effet la possibilité de voir attribuer un droit d’usage temporaire de la résidence, ainsi que des meubles servant au ménage, au conjoint qui a la garde de l’enfant, afin d’assurer la stabilité de celle-ci ou de celui-ci. Il est prévu au Code civil du Québec que cette demande doit être présentée au tribunal au plus tard 120 jours après la fin de l’union[1].
Puisque Sarah est en congé de maternité et s’occupe principalement de leur fille Emma, aux fins de l’exemple, on présume qu’elle en aurait la garde : elle pourrait donc invoquer cette mesure pour rester dans la résidence familiale et demander qu’Alex quitte les lieux. Elle formulerait cette demande au tribunal qui rendrait sa décision[2]. Cependant, comme il s’agit de droit nouveau, il faudra voir comment les tribunaux vont traiter les demandes de ce type.
Q. Si Sarah et Alex décident de vendre le condo pour se relocaliser chacun de leur côté, comment le produit de la vente sera-t-il réparti, notamment en ce qui concerne les mises de fonds différentes de Sarah et Alex?
Me Cloutier. Le patrimoine d’union parentale inclut la résidence de la famille. Mes commentaires tiennent pour acquis que cette résidence n’a pas été exclue du patrimoine d’union parentale par une convention de modification ou d’exclusion que les conjoints auraient signée devant notaire.
Mentionnons d’abord qu’en août 2025, lorsque le couple a accueilli leur fille Emma, il aurait été de bonne pratique pour eux de faire un inventaire des avoirs et des dettes, bref, de tout ce qu’ils possédaient respectivement avant le début de l’union parentale puisque, dès la naissance d’un enfant, un patrimoine d’union parentale se crée. Un inventaire ou bilan pré-union parentale est donc très important et sert à conserver une preuve de ce que possédait chacun des conjoints avant l’union, qui s’avérera fort utile en cas de rupture ou de décès.
Concernant le partage de la vente de la propriété, il faudra que la juste valeur marchande de la résidence familiale soit d’abord déterminée au moment de la séparation.
Pour ce qui est de la valeur nette partageable en parts égales entre les deux conjoints, elle sera calculée en tenant compte :
- de la valeur nette au début de l’union parentale;
- des dettes contractées pour son acquisition, son amélioration, son entretien ou sa conservation.
Certaines sommes seront également soustraites de ce calcul, notamment :
- les mises de fonds de chacun des conjoints provenant d’un don ou d’un héritage, ainsi que la plus-value acquise par la propriété durant sa période de détention par Sarah et Alex.
[1] Code civil du Québec. RLRQ c CCQ-1991, 521.27. 2024, c. 22, a. 3.
[2] Code civil du Québec, RLRQ c CCQ-1991, 521.28. 2024, c. 22, a. 3.
Conseil : si vous êtes sous le régime d’union parentale, ouvrez des comptes distincts afin d’isoler ce que vous recevez en héritage ou par donation. Ceci permettra de bien identifier et de déduire ces sommes si elles sont utilisées pour l’achat d’une résidence durant l’union ou pour en payer l’hypothèque.
Si vous voulez en savoir plus sur les notions de base du régime, ou sur les questions les plus fréquemment posées, écoutez le balado ou visionnez le webinaire inclus dans cette infolettre. Si vous avez des questionnements particuliers liés à votre situation, communiquez avec votre conseillère ou conseiller en gestion de patrimoine qui a accès à nos équipes de spécialistes et qui vous aidera à trouver des réponses.
Impacts successoraux
Si, dans une union de fait avec enfants, l’un des parents décède, comment les dispositions de son testament s’inscrivent-elles dans le cadre juridique du régime d’union parentale?

Jessica a 32 ans et vit en union de fait avec Ali, 34 ans depuis 6 ans. Ils ont deux enfants, une fille de 4 ans, Zoé, et un garçon de 2 ans et demi, Léo. Jessica a une fille de 8 ans née d’une union précédente. Elle est pharmacienne salariée alors qu’Ali travaille dans une entreprise en tant qu’administrateur de bases de données.
Après l’entrée en vigueur du régime d’union parentale, ils ont décidé, d’un commun accord, d’y adhérer, même si leurs deux enfants sont nés avant son entrée en vigueur, et d’adhérer également au patrimoine d’union parentale. Ils sont très attachés à leur famille et selon eux, c’est une protection supplémentaire qui assure leur sécurité. Dans le cas de la fille que Jessica a eu d’une première union, celle-ci voudrait pourvoir pour elle dans son testament.
Jessica et Ali ont une union stable, centrée sur leur famille et ses besoins. Leurs carrières respectives sont aussi un aspect important de leur vie et ils se préoccupent de l’avenir de leurs enfants.
Questions à Me Cloutier
Q. Jessica se demande quel est le meilleur moyen de protéger sa fille aînée, Katia. Le legs qu’elle veut lui faire dans son testament sera-t-il suffisant? Y a-t-il un moyen plus efficace d’assurer son avenir?
Me Cloutier : J’aimerais d’abord clarifier les implications du régime d’union parentale : d’une part, il y a le patrimoine d’union parentale, auquel les conjoints peuvent choisir de ne pas s’assujettir, et d’autre part, il y a toutes les autres protections du régime auxquelles les conjoints ne peuvent se soustraire en cas d’adhésion (volontaire, dans ce cas-ci) comme la protection de la résidence et la prestation compensatoire.
Trouver le parfait équilibre en situation de famille recomposée étant difficile, il faudra voir quelles sont les intentions de Jessica concernant ses trois enfants et son conjoint.
L’assujettissement volontaire au régime d’union parentale est tout à fait possible, et en ce qui concerne la vocation successorale en l’absence de testament, il touchera tous ses enfants, incluant Katia.
Prenant pour acquis que Jessica et Ali s’assujettissent volontairement au régime d’union parentale, en matière successorale, les dispositions relatives au partage du patrimoine d’union parentale ont priorité au décès. Le moment venu, il faudra donc procéder à ce partage, à moins d’une exclusion ou d’une renonciation. Par la suite, à défaut de testament, le solde de la succession sera partagé à raison d’un tiers au conjoint et des deux tiers aux enfants. Pour Jessica, cela signifie que Katia recevrait une part, puisqu’elle est incluse dans les légataires recevant les deux tiers de sa succession.
Si Jessica souhaite partager ses biens autrement, ce qui pourrait être le cas, elle devra faire un testament, notarié de préférence. Elle pourra alors bénéficier des conseils d’un ou d’une notaire pour bien planifier ses volontés. Suivant son décès, la remise qui sera prévue à son testament s’effectuera une fois le partage du patrimoine d’union parentale effectué.
Dans tous les cas, il serait judicieux pour Jessica de consulter un ou une notaire pour explorer les différentes options qui s’offrent à elle, mais surtout pour s’assurer que ses volontés soient clairement inscrites dans son testament et qu’une stratégie pour assurer l’avenir de Katia soit prévue. Si le legs que Jessica entend faire à Katia est sous forme d’un montant d’argent, il faudra déterminer s’il sera pris à même ses actifs, ou s’il proviendra du produit d’une assurance vie dont la succession serait bénéficiaire et qu’un legs soit prévu au testament pour traiter le montant afin qu’il soit remis à Katia. Une fois ce montant établi, des mécanismes de remises pourraient être également prévus au testament, comme l’administration post-liquidation ou la création d’une fiducie au bénéfice de Katia, qui permettrait la gestion et la protection des actifs qui lui sont destinés jusqu’à un âge déterminé.
Pour Jessica, le testament peut donc s’avérer un moyen efficace pour assurer l’avenir de Katia. Par ailleurs, Jessica pourrait ouvrir dès maintenant un REEE (Régime enregistré d’épargne-études) dont Katia serait la bénéficiaire et dans lequel elle verserait un montant déterminé périodiquement, qui serait bonifié par les subventions fédérales et provinciales afférentes.
Q. Outre la valeur partageable aux termes du patrimoine d’union parentale, Ali voudrait laisser une somme d’argent supplémentaire à Jessica pour qu’elle puisse subvenir aux besoins de la famille s’il décédait. Il a un REER dans lequel son employeur verse un pourcentage de son salaire et il a aussi un compte CELI auquel il cotise depuis une dizaine d’années. Sachant que les dispositions du régime d’union parentale ont priorité au décès, comment pourrait-il pourvoir aux besoins de sa conjointe et de leur famille?
Me Cloutier. Le REER et le CELI ne seront pas pris en compte lors du partage du patrimoine d’union parentale au décès d’Ali puisqu’ils sont exclus selon la loi qui régit ce patrimoine, à moins de les avoir inclus de façon volontaire.
Il faudrait voir si Jessica et Ali souhaitent inclure volontairement ces montants dans le patrimoine d’union parentale. Ali pourrait aussi faire un testament, notarié de préférence, dans lequel il choisirait de léguer son REER et/ou son CELI à sa conjointe, ce qui permettrait à Jessica de recevoir les sommes investies dans ces régimes au décès d’Ali et de bénéficier des avantages fiscaux associés.
Conseil : il est important de mentionner que si les conjoints consultent un ou une notaire au préalable, celle-ci ou celui-ci pourra les accompagner et les conseiller en fonction de leur situation familiale et de leurs intentions. Il n’est pas rare de constater que finalement, les conjoints vont convenir d’une convention de vie commune plutôt que de s’assujettir au nouveau régime d’union parentale.
Si vous voulez en savoir plus sur les notions de base du régime, ou sur les questions les plus fréquemment posées, écoutez le balado ou visionnez le webinaire inclus dans cette infolettre. Si vous avez des questionnements particuliers liés à votre situation, communiquez avec votre conseillère ou conseiller en gestion de patrimoine qui a accès à nos équipes de spécialistes et qui vous aidera à trouver des réponses.
Prestation compensatoire
Le travail non rémunéré de l’un des conjoints pour l’autre conjoint peut-il faire l’objet d’une réclamation monétaire lors de la séparation?

Jean-Philippe, 42 ans, et Geneviève, 37 ans, ont décidé de vivre ensemble il y a quelques années et d’avoir un enfant, né en juillet 2025. Jean-Philippe est chirurgien dentiste et copropriétaire d’une clinique dentaire. Geneviève est chef de production dans une entreprise de marketing.
La naissance de leur fils Félix a quelque peu chamboulé le rythme de leur vie à deux, mais ils se sont ajustés. À peine retournée au travail après son congé de maternité, Geneviève a été victime d’un accident de la route qui a nécessité une interruption de ses activités professionnelles durant une période de huit mois. Forte de son expérience dans le domaine comptable, elle a proposé à Jean-Philippe de lui donner un coup de main avec la comptabilité de la clinique dentaire. Elle y a consacré de deux à trois heures par jour durant sa convalescence à la maison. La clinique de Jean-Philippe connaissant une recrudescence d’achalandage, le couple a convenu, d’un commun accord, que Geneviève réduirait ses activités professionnelles durant un certain laps de temps pour poursuivre son implication non rémunérée dans la tenue des livres de la clinique, à raison d’un minimum de sept heures par semaine. Elle a maintenu ce rythme, même après avoir réintégré son travail selon un horaire flexible.
Les exigences de leur vie professionnelle et personnelle ont exercé un stress soutenu sur la petite famille. Six ans après la naissance de leur fils, Geneviève a annoncé à Jean-Philippe qu’elle voulait mettre fin à leur vie commune.
Questions à Me Cloutier
Q. Le travail comptable que Geneviève a effectué pour Jean-Philippe durant quelques années a-t-il une valeur comptable? Geneviève peut-elle réclamer une compensation monétaire pour ce travail?
Me Cloutier. L’une des mesures prévues dans le régime d’union parentale est la possibilité de demander une prestation compensatoire au tribunal.
Geneviève pourrait réclamer une compensation monétaire pour le travail comptable qu’elle a effectué, et qui a une valeur, pour la clinique dentaire de Jean-Philippe. Une entente à l’amiable pourrait évidemment être conclue entre les ex-conjoints, à défaut de quoi, le régime d’union parentale lui permet de faire une demande de prestation compensatoire. Dans cette démarche, la prestation compensatoire pourrait être ordonnée par un tribunal une fois que Geneviève aura fait la preuve de son implication dans l’enrichissement de Jean-Philippe par le biais de son travail non rémunéré, qui peut avoir contribué à son appauvrissement personnel.
Il y aura évidemment des preuves à fournir et des éléments à démontrer tels que l’enrichissement de l’un par rapport à l’appauvrissement de l’autre. L’aspect à retenir ici est que cette prestation n’est pas automatique, mais doit faire l’objet d’une demande auprès d’un tribunal. Comme il s’agit de droit récent, il sera intéressant de consulter les jugements qui seront rendus par les tribunaux relativement à cette prestation dans les mois à venir.
Q. Comment seront déterminés les droits de garde de leur enfant?
Me Cloutier. Considérant que Jean-Philippe et Geneviève sont les père et mère de leur fils Félix et indépendamment de leur type d’union, les deux parents ont le droit d’avoir la garde de l’enfant. Les droits de garde de leur fils Félix seront déterminés en fonction de l’intérêt de l’enfant, ce qui inclut des facteurs tels que la stabilité de l’environnement familial, la capacité de chaque parent à répondre aux besoins de l’enfant, et la relation de l’enfant avec chaque parent.
Le nouveau régime d’union parentale met l’accent sur la protection des droits des enfants et vise à assurer leur bien-être dans des situations de séparation, notamment avec la mesure de protection concernant la résidence familiale.
S’il y a désaccord entre les parents concernant les droits de garde, le couple pourra avoir recours à la médiation familiale pour essayer d’arriver à une entente et convenir d’un calendrier parental. Pour avoir plein effet, cette entente devra cependant être homologuée par un tribunal.
Si vous voulez en savoir plus sur les notions de base du régime, ou sur les questions les plus fréquemment posées, écoutez le balado ou visionnez le webinaire inclus dans cette infolettre. Si vous avez des questionnements particuliers liés à votre situation, communiquez avec votre conseillère ou conseiller en gestion de patrimoine qui a accès à nos équipes de spécialistes et qui vous aidera à trouver des réponses.







