Yann Furic
B.B.A., M. Sc., CFAMD
Gestionnaire principal, répartition d’actifs et stratégies alternatives
Depuis le début de 2025, le mot « tarif » a été omniprésent dans les médias, et les multiples annonces et faux départs sont légion. La plupart des tarifs sont en place depuis le 9 août, mais il faudra attendre encore quelques semaines ou quelques mois pour bien saisir l’ensemble de leurs retombées.
LES TARIFS. ENCORE ET TOUJOURS
Quelle part des tarifs est absorbée par le producteur, l’acheteur ou encore le client? L’impact réel se fait encore attendre. Pour certains produits comme l’acier et l’aluminium qui sont tarifés depuis plusieurs mois, des utilisateurs comme les compagnies Ford ou John Deere ainsi que d’autres manufacturiers ont pu quantifier les répercussions monétaires négatives des nouvelles mesures lors de leur audioconférence trimestrielle. Pour d’autres, une hausse importante des importations non tarifées en début d’année a permis de les éviter, pour le moment.
Dans certains cas, les entreprises ont absorbé une grande partie de la surtaxe, en attendant une meilleure évaluation de sa persistance. Il est donc possible qu’un taux minimum uniforme de 15 %, qui perdurerait comme source de revenus pour le gouvernement américain, permette l’augmentation des prix pour les clients. Une pression inflationniste supplémentaire pourrait donc apparaître au cours des prochains mois. Cette crainte d’une réaccélération de l’inflation justifie l’attitude attentiste de la plupart des banques centrales et principalement de la Fed, qui se tiennent actuellement « sur les lignes de côtés ».
Exemple de l’effet des tarifs : le secteur automobile
- L’augmentation du prix des pièces automobiles importées devrait avoir des répercussions directes sur le coût de l’assurance automobile puisque les réparations seront plus coûteuses.
- Afin de respecter leur budget, les consommateurs se tournent en plus grand nombre vers les véhicules usagés, qui se font plus rares depuis les problèmes de production vécus durant la pandémie.
- Le coût des assurances ainsi que celui des véhicules usagés sont des composantes de l’indice des prix à la consommation (IPC).
- Une hausse des prix à la consommation peut entraîner une hausse des salaires afin de maintenir le pouvoir d’achat, ce qui, à son tour, pourrait exercer une seconde ronde de pressions inflationnistes.
FINANCEMENT DES ENTREPRISES : UN MYTHE À REVOIR
Dans les médias, il est souvent mentionné à tort que l’achat d’actions d’une entreprise sur les marchés publics, comme le TSX au Canada ou le NYSE aux États-Unis, finance l’entreprise en question. Dans la très grande majorité des cas, cette affirmation est erronée. Lorsqu’un investisseur achète une action de la compagnie Apple, par exemple, c’est parce qu’il y a un vendeur de cette action : c’est donc une transaction dans laquelle l’entreprise n’est pas partie prenante. Un exemple au Canada : la dernière émission d’actions par la Banque Royale (RBC) remonte à 2008, lors de la crise financière, il y a 17 ans…
Par contre, plusieurs entreprises rachètent leurs actions. C’est donc dire qu’à la vente, il se peut que ce soit l’entreprise elle-même qui soit partie prenante dans la transaction, à travers un courtier.
Lorsqu’un investisseur détient une action, celle-ci représente une participation dans l’avenir de l’entreprise, et non un financement de celle-ci. Il existe, bien sûr, certains cas spécifiques où l’investisseur achète des actions nouvellement émises par une entreprise et à ce moment-là, c’est bel et bien un financement.
Pour ce qui est des obligations, comme elles ont une date d’échéance, il n’est pas rare d’acheter une nouvelle émission et donc de financer l’entreprise, ou encore le gouvernement en question.
POURQUOI UNE BANQUE CENTRALE DOIT-ELLE RESTER INDÉPENDANTE?
De manière simplifiée, le rôle d’une banque centrale est de contrôler l’inflation et, dans le cas de la Réserve fédérale américaine (Fed), de maximiser également le niveau d’emploi.
Les banques centrales contrôlent principalement les taux à court terme.
- Au Canada, le terme hypothécaire le plus utilisé est celui d’une durée de 5 ans.
- Aux États-Unis, c’est celui de 30 ans.
- Le taux de 10 ans est une référence pour le financement des entreprises en général.
En temps normal, les taux à long terme sont établis en considérant la croissance économique, le contrôle plus ou moins stable de l’inflation et la responsabilité fiscale du gouvernement concerné. Un gouvernement qui veut obliger sa banque centrale à abaisser les taux alors que l’inflation au pays est élevée et qu’il maintient un niveau de déficit excessif se retrouvera avec des taux à long terme à la hausse, malgré la réduction des taux à court terme.
C’est la situation dans laquelle s’est retrouvé le gouvernement de Liz Truss en Angleterre en 2022. La pression actuelle exercée par l’administration américaine sur la Fed pourrait avoir un effet négatif de moindre ampleur.
Ajoutons que lorsqu’une banque centrale réduit ses taux en présence d’inflation, la devise du pays peut s’en trouver affaiblie. La Turquie, dont la banque centrale n’est pas indépendante, nous donne un bon exemple de l’effet négatif sur la devise que peut exercer une telle prise de position.
SURVOL DES BOURSES MONDIALESTous les pourcentages affichés sont en devise canadienne. |
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Pays |
Indice |
Rendement* |
Évolution |
Rendement cumulatif |
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Canada |
S&P/TSX |
4,96 % |
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17,59 % |
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États-Unis |
S&P 500 |
1,32 % |
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5,76 % |
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|
Nasdaq |
0,94 % |
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6,53 % |
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Bourses internationales |
EAEO |
3,54 % |
|
17,22 % |
|
Pays émergents |
|
0,58 % |
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13,62 % |
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Chine |
MSCI Chine |
4,21 % |
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23,19 % |
Le rendement indiqué est le rendement total qui inclut le réinvestissement des revenus et des distributions de gains en capital.
Source : Morningstar Direct.
RENDEMENT DES OBLIGATIONS CANADIENNES |
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| Indice | Rendement du 1er janvier au 31 août 2025 |
| Obligations universelles FTSE Canada | 1,07 % |
Source : Morningstar Direct
Les données qui influencent les marchés

CANADA |
ÉTATS-UNIS |
Indicateur de récession: |
|
Modéré |
Modéré |
Taux directeurs |
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2,75 % |
4,25 % – 4,50 % |
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L’inflation s’est maintenue dans sa fourchette cible. L’incertitude concernant l’imposition de tarifs par les États-Unis pourrait modifier la politique monétaire et mener à des baisses de taux supplémentaires. La croissance du PIB a été négative au 2e trimestre. Présentement, les marchés anticipent une ou deux autres baisses de taux en 2025. |
Le 30 juillet, la Réserve fédérale américaine (Fed) a conservé ses taux à leur niveau actuel. Les retombées inflationnistes de la politique tarifaire américaine limiteront sans doute les réductions de taux en 2025, mais la faible croissance de l’emploi ouvre la porte à des coupures. Le gouverneur de la Fed, Jerome Powell, a mentionné que l’incertitude concernant l’inflation et l’emploi a augmenté. Les marchés espèrent l’annonce d’une baisse de taux lors de la prochaine rencontre de la Fed le 17 septembre. Entre une et trois coupures de taux sont prévues d’ici la fin de l’année. |
Situation de l’emploi |
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Emplois créés : -66 000 Attentes : 5000 |
Emplois créés : 22 000 Attentes : 75 000 |
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Croissance des salaires : 3,6 % Attentes : 3,4 % |
Croissance des salaires : 3,7 % Attentes : 3,8 % |
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Taux de chômage : 7,1 % Augmentation: +0,2 % |
Taux de chômage : 4,3 % Augmentation : +0,1 % |
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59 700 emplois à temps partiel et 6000 emplois à temps plein ont été perdus.
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Les données d’emplois du mois précédent ont été révisées à la baisse. Comme le mois dernier, il y a eu des pertes d’emplois dans le secteur manufacturier. |
Inflation |
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Avril : 1,7 % Baisse : 0,2 % |
Avril : 2,7 % Baisse : 0,0 % |
Globalement, que nous disent les indicateurs économiques?
Taux directeurs (Canada, Europe et États-Unis) ![]()
- Le bras de fer entre la Maison Blanche et la Réserve fédérale se poursuit. Une faible création d’emplois depuis plusieurs mois ouvre la porte à une baisse de taux, malgré une inflation qui surpasse la cible. Les craintes d’une reprise de l’inflation aux États-Unis, conséquente aux politiques tarifaires, pourraient les limiter.
- A l’opposé, le Canada et l’Europe font face aux menaces tarifaires et leur inflation, plus faible, permet à leurs banques centrales de maintenir leurs taux ou de les abaisser encore. Présentement, elles attendent les effets de ces tarifs pour déterminer ce qui doit être fait.
Indice global des directeurs d’achats ![]()
- Segment manufacturier : en hausse, plus de la moitié des trente pays qui le composent affichent un indice supérieur à 50 (expansion).
- Segment des services: il continue de se maintenir et reste vigoureux.
Taux d’inflation ![]()
- Sur une base globale: en baisse, il continue d’évoluer dans la bonne direction, mais sa vitesse de décélération faiblit toujours.

Facteurs à surveiller
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Réduction de la règlementation dans divers secteurs d’activités aux États-Unis : elle devrait permettre de maintenir la croissance économique et de favoriser l’investissement. Elle devra être suivie par d’autres pays, comme le Canada, au risque d’une perte de compétitivité.
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Guerre commerciale : soutenue par l’utilisation de tarifs sans discrimination, elle pourrait causer un ralentissement économique et augmenter l’inflation. Cette situation se rapprocherait d’un épisode de stagflation, le scénario économique le plus négatif.
-
Scénarios inflationnistes : s’ils ont pour conséquence de conserver les taux d’intérêt sur les échéances de cinq à dix ans à des niveaux élevés, ils sont à éviter absolument puisqu’ils ralentiraient les investissements des entreprises et le rapatriement des chaînes de production aux États-Unis.
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Incertitude géopolitique : guerre Russie-Ukraine, conflits régionaux au Moyen-Orient, tensions entre les États-Unis et la Chine, annexion possible de Taiwan par le gouvernement chinois et tensions entre l’Inde et le Pakistan.
Nos vues tactiques – Août 2025
- Nous avons maintenu la pondération des actions dans la stratégie de répartition tactique.
- Les économies ralentissent, mais sont toujours en croissance. Les profits des grandes entreprises américaines sont au rendez-vous, ce qui maintient les marchés boursiers en territoire positif.
- Aux États-Unis, nous avons conservé notre pondération en actions et notre positionnement dans les titres de croissance de grandes capitalisations qui réagissent positivement à une stabilisation des taux d’intérêt et dans ceux qui ont un historique de croissance des dividendes qui sont plus défensifs.
- Nous avons réinvesti de façon plus importante en Europe et réduit le poids du Japon.
- Dans la composante revenu fixe, nous avons conservé la pondération des obligations et conservons des obligations canadiennes d’une échéance de 7 à 10 ans. Nous détenons différents types de crédit à travers des obligations américaines ainsi que d’autres émises par les gouvernements des pays émergents.
Nous continuons de privilégier les titres dans les pays développés et la gestion des risques.
Pour savoir comment nos fonds se sont comportés :
Gestionnaire principal, répartition d’actifs et stratégies alternatives
Source des données : Bloomberg
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